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Corinne de Berny, secrétaire adjointe* du Collectif Schizophrénies

(*présidente jusqu’au 26 septembre 2020, remplacée à cette date par Mme Corinne Oddoux)

« La schizophrénie appellerait un véritable plan »

Pouvez-vous nous présenter votre collectif ?
Le Collectif Schizophrénies est né fin 2015. L’objectif était de rassembler les principales associations françaises dédiées à cette pathologie, afin de lui assurer une représentation nationale, à l’image d’autres pathologies pour lesquelles la mobilisation était nécessaire (autisme, maladies rares, SIDA, etc.). Notre Collectif rassemble aujourd’hui 8 associations (Schizo Oui, Schizo Espoir, Schizo’Jeun’S, Solidarité Réhabilitation, Journées de la Schizophrénie France, Les Assiettes Chinoises, Troubles Psychiques Tous Partenaires, ainsi que l’association suisse L’Ilot) et des personnes qui ont souhaité adhérer à titre individuel. Nous souhaitons parler d’une voix fédératrice et forte, mobiliser l’opinion et la puissance publiques sur les schizophrénies et agir pour une prise en charge à la hauteur de l’enjeu de santé publique qu’elles représentent. Rappelons que plus de 600 000 personnes sont touchées et 2 à 3 millions concernées en comptant l‘entourage.
Nous agissons notamment à travers le portail internet indépendant que nous avons créé pour mieux informer sur les schizophrénies : www.collectif-schizophrenies.com, mais également par une présence sur les réseaux sociaux, par des relations presse actives, en promouvant les témoignages et expériences des personnes concernées et en luttant contre leur stigmatisation. Nous soutenons en France l’évènement des Journées de la Schizophrénie, né en Suisse et organisé chaque année au niveau d’un nombre croissant de pays. Nous participons par ailleurs à des réflexions à l’invitation de nombreuses instances (ministère DGS, CNSA, CCOMS, IRDES, etc.) et menons des projets pilotes en partenariat avec des équipes soignantes, dans la perspective de favoriser le rétablissement des patients, le déploiement de prises en charge aux effets démontrés et le développement de la recherche.

Comment évolue aujourd'hui la place des personnes avec un diagnostic de schizophrénie dans notre société ?
Malheureusement les difficultés se matérialisent toujours froidement par les chiffres de surmortalité – 15 à 20 ans de vie en moins, liés au suicide et à des soins déficients - de surreprésentation des malades parmi les personnes SDF et en prison, ou d’insertion professionnelle marginale… Ils illustrent à la fois la réduction de l’espérance et de la qualité de vie des personnes avec ce diagnostic.
Grâce à internet et aux réseaux sociaux, on observe cependant des mouvements favorables : de nombreuses personnes peuvent témoigner largement aujourd’hui de leur rétablissement, la pair-aidance s’organise, les prises en charge efficaces sont mieux connues et de nombreuses équipes s’y engagent, les jeunes générations n’ont pas les mêmes références et tabous que les anciennes.
Il reste qu’en tant que trouble faisant l’objet d’une stigmatisation majeure, et avec lequel les personnes doivent vivre tout au long de leur vie, la schizophrénie appellerait un véritable plan – comme pour l’autisme – plan qui bénéficierait d’ailleurs à de nombreuses personnes dans tout le champ des troubles psychiques et du handicap tant la schizophrénie pose des enjeux sur quantité de volets.
Prévention et accès aux soins, formation des professionnels et qualité des prises en charge médicales et médico-sociales, accès au logement, au travail, aux loisirs, aux droits… Et aussi bien sûr actions pour comprendre et agir sur le regard posé globalement par les médias et toute la société sur la schizophrénie : on ne peut qu’enrager devant l’absence de politique de santé mentale forte dans notre pays, au-delà de l’accumulation de rapports et de déclarations creuses. 

Que pensez-vous de la réflexion en cours* animée par le CCOMS sur le changement de nom/de concept pour la schizophrénie ?
Il s’agit d’une voie pour agir sur la représentation de la maladie. On sait que le mot même de schizophrénie créé de la distance, la peur, l’incompréhension dans le public, et pour les personnes qui en souffrent, constitue une souffrance supplémentaire tant il est associé à l’incurabilité, la dangerosité et la mort sociale. Cette stigmatisation est partout dans le monde identifiée comme un obstacle aux soins, au rétablissement et à la priorisation des politiques publiques. Réfléchir à de nouveaux termes et conception, non chargés de toutes ces représentations délétères peut permettre de ramener les troubles dans le champ des maladies certes parfois graves, mais moins "à part" de tous les autres problèmes de santé. L’intérêt est aussi d’associer un très vaste ensemble de personnes à cette réflexion : professionnels, patients, proches, représentants de l’administration et d’organisations, chercheurs, etc., et de l’ouvrir à la fin au grand public. Même si finalement, le mot schizophrénie est conservé, la démarche même aura eu le mérite de faire réfléchir et échanger sur la pathologie, de contribuer à ce qu’elle ne soit plus tout à fait "cette maladie abandonnée" comme l’appellent nos voisins anglais.
*Lien vers l’article du portail sur cette réflexion.

Retour sur le webinaire Droits des usagers des services de santé mentale en période de COVID-19
Le webinaire organisé le 30 septembre par le CASH de Nanterre, l'EPS Roger Prévot et le CCOMS, a réuni 160 participants. En introduction, le Dr Roelandt, directeur du CCOMS, a présenté les résultats de l’enquête réalisée pour cet événement. Si la crise est porteuse d’opportunités pour la mise en place concrète de la politique de sectorisation dans la cité (équipes mobiles, réorganisation ambulatoire, développement des CLSM, solidarités locales, e-santé, téléconsultation, implication des collectivités, des associations d’usagers, d’aidants,...), les inégalités dans les soins et l’accompagnement se sont en revanche accentuées sur certains territoires. Autre conclusion : les contraintes imposées à tous sont mieux admises et comprises que celles imposées à un groupe particulier. La stigmatisation des personnes porteuses d’un trouble semble ainsi avoir généralement baissé, même si on constate l’effet inverse à l’hôpital, avec une aggravation de la stigmatisation, une diminution des droits et parfois un double enfermement psychiatrique et sanitaire. André Ferragne, Secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, constate que les droits des patients n’ont pas été la priorité de la gestion de crise, même si des comités d’éthique locaux ont parfois sollicité le CGLPL pour avis. Il relève également des stratégies locales innovantes pour réduire le recours aux soins sans consentement et l’enfermement. Le délégué ministériel à la santé mentale et la psychiatrie, Franck Bellivier, a, quant à lui, présenté les résultats du Rapport d’analyse des retours d’expériences de la crise COVID-19 dans le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie (voir plus bas). Il a également annoncé la tenue du sommet mondial de la santé mentale à Paris en octobre 2021, justement sur ce thème des droits des usagers. La table-ronde qui s’en est suivie aura permis aux acteurs de faire état de leur gestion de la crise et de leurs idées pour les suivantes, de l’hôpital à la cité en passant par les équipes mobiles, les CLSM, les EHPAD, les collectivités locales, les associations citoyennes, d’usagers et d’aidants.
Consultez les présentations et la vidéo du wébinaire en suivant ce lien.

Mission du CCOMS à Ouagadougou, Burkina Faso
Dans le cadre de la collaboration entre Expertise France et le CCOMS, l’équipe de Lille s’est rendue à Ouagadougou du 14 au 25 septembre 2020 afin d’assurer un programme de formations en santé mentale. Ce projet, financé par la coopération française et mis en œuvre par Expertise France en étroite collaboration avec le CCOMS, a pour objectif de contribuer à améliorer la santé mentale des populations en contexte de crise sécuritaire sous la tutelle du Ministère de la Santé du Burkina Faso. Le CCOMS a donc apporté son expertise à travers un package de trois formations de formateurs, ainsi que la mise en place du programme QualityRights avec une observation au sein du service de soins en psychiatrie du CHU Yalgado Ouedraogo. La première de ces formations concernait le mhGAP, un outil de diagnostic permettant l’intégration de la santé mentale dans les soins primaires. Les ressources humaines étant limitées (7 psychiatres pour une population de 20 millions d’habitants), il est important de pouvoir former des agents de santé non spécialisés dans le domaine. La seconde formation portait sur les CLSM. Elle a rassemblé des acteurs communautaires, principalement des communes de Ouagadougou, Ouahigouya et Bobo-Dioulasso, jumelées à des villes françaises pour appuyer la mise en place des CLSM. La troisième formation, organisée avec le Centre National de Ressources et de Résilience (CN2R), portait sur la prise en charge du psycho-traumatisme, pour une population qui est de plus en plus exposée à une crise sécuritaire (conflit armé, populations déplacées, etc.). Le CCOMS accompagnera Expertise France afin de veiller au suivi en cascade de ces formations qui ont réuni entre 20 et 30 participants chacune. Les formations mhGAP et sur le psycho-traumatisme ont notamment réuni des agents de santé / santé mentale, médecins, psychiatres et étudiants provenant des différentes régions du pays. Les participants formés deviendront à leur tour des formateurs afin de diffuser dans le pays les connaissances et aptitudes acquises lors de ces formations.

Ministère "Retours d’expériences de la crise COVID-19 dans le secteur de la santé mentale"
Depuis juin, la Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie (DMSMP), en lien avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’Agence nationale d’appui à la performance, les ARS et les établissements de santé mentale, identifie les actions innovantes qui ont été menées par les nombreux acteurs du secteur sur le territoire national. Un premier rapport "RETEX" a été publié le 9 octobre sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé. Objectif : pérenniser un certain nombre d’actions innovantes mises en place pendant l’épidémie. A retenir : 150 dispositifs innovants ont été identifiés ; près de 90 unités COVID ont été créées pour une capacité totale de plus de 1 100 lits ; les supports technologiques ont joué un rôle majeur (plateformes téléphoniques, consultations téléphoniques et télémédecine, utilisation des réseaux sociaux…) ; un double virage a été constaté, numérique et ambulatoire, privilégiant « l’aller vers » et la réponse personnalisée vis-à-vis des publics. Ce RETEX est un éclairage précieux pour apprécier les projets qui seront présentés par les acteurs de la psychiatrie, en réponse à l’appel à projet du Fonds d’Innovation Organisationnelle en Psychiatrie lancé cet été pour la deuxième année consécutive. Parallèlement, la finalisation des PTSM, selon les 6 priorités fixées, devra tenir compte de tous les enseignements de la crise et permettre d’en capitaliser les avancées, notamment en termes de coopération sanitaire, social et médico-social.
Lire le communiqué.

Moins de soins de prévention, de recours aux spécialistes et plus d'hospitalisations évitables chez les personnes suivies pour un trouble psychique sévère
L’Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé a publié en septembre 2020 le numéro 250 de « Questions d'économie de la santé ». Les individus suivis pour des troubles psychiques font face à une mortalité prématurée, quelle que soit la cause de décès. Ce phénomène, marqueur d’inégalités de santé, questionne le suivi et l’accès aux soins somatiques des personnes vivant avec un trouble psychique sévère. Les données du Système national des données de santé permettent de caractériser leur recours aux soins courants à l’échelle nationale en comparaison aux principaux bénéficiaires de l’Assurance maladie. Leur exploitation démontre un moindre recours aux soins de prévention et aux soins de spécialistes courants chez les individus suivis pour un trouble psychique sévère, malgré une prévalence plus élevée des principales pathologies chroniques qu’en population générale, et une fréquence plus importante des hospitalisations évitables, malgré des contacts plus fréquents en médecine générale. Ces résultats soulignent les difficultés du système de santé à répondre de manière satisfaisante aux besoins spécifiques des personnes vivant avec un trouble psychique et soutiennent le développement de mesures dédiées pour améliorer l’accès et la prise en charge somatique de cette population aux multiples vulnérabilités.
Questions d'économie de la santé n°250,

L’Unafam publie son premier baromètre et lance la campagne #liberonslesmaux
A l’occasion de la journée nationale des aidants, le 6 octobre 2020, l’Unafam a rendu public le premier baromètre qui montre la réalité du quotidien des proches de personnes souffrant de troubles psychiques. L’association lance également une campagne de communication qui prend le parti d’utiliser des citations d’adhérents pour incarner la difficulté de leur quotidien et faire comprendre aux familles concernées qu’elles ne sont pas seules face aux troubles psychiques de leur proche. Une démarche résumée dans le hashtag #liberonslesmaux.

Enquête de l'OMS : la COVID-19 perturbe les services de santé mentale dans la plupart des pays
Selon une nouvelle enquête de l’OMS, la pandémie de COVID-19 entraîne des perturbations ou une interruption des services de santé mentale essentiels dans 93 % des pays, alors que la demande de soins augmente. Cette enquête, menée dans 130 pays, permet de disposer des premières données mondiales montrant l’impact désastreux de la COVID-19 sur l’accès aux services de santé mentale et souligne qu’il est urgent d’accroître le financement de ces derniers. Aujourd’hui, la pandémie fait augmenter la demande de services de santé mentale. Le deuil, l’isolement, la perte de revenu et la peur entraînent ou aggravent des pathologies mentales. Beaucoup de gens consomment plus d’alcool ou de drogues et souffrent davantage d’insomnie et d’anxiété. Parallèlement, la COVID-19 peut entraîner des complications neurologiques et psychiatriques (état confusionnel, agitation ou accident vasculaire cérébral, par exemple). Les personnes qui présentent des troubles mentaux, neurologiques ou liés à l’usage de substances psychoactives sont également plus vulnérables face à l’infection par le SARS-CoV-2 car, pour elles, le risque d’être atteintes d’une forme grave de la maladie et d’en mourir peut être plus élevé. Bien que 89 % des pays aient signalé dans le cadre de l’enquête que la santé mentale et le soutien psychosocial étaient intégrés dans leurs plans nationaux de riposte à la COVID-19, 17 % seulement de ces pays disposent d’un financement supplémentaire suffisant pour couvrir ces activités.
Lire le communiqué (en français) ici.
Consultez l’étude (en anglais) ici.

Nouvelles lignes directrices de l'OMS sur la promotion de la santé mentale chez les adolescents
Les "Lignes directrices sur les interventions de promotion et de prévention en santé mentale pour les adolescents, pour aider les adolescents à s'épanouir", fournissent des recommandations fondées sur des données probantes à propos des interventions psychosociales pour promouvoir la santé mentale, prévenir les troubles mentaux et réduire l'automutilation et autres comportements à risque chez les adolescents de 10-19 ans. Ces lignes directrices visent à éclairer l'élaboration de politiques, la planification des activités, le renforcement des systèmes de santé et d'éducation, et à faciliter la mise en œuvre des interventions en milieu scolaire, communautaire et via des plateformes numériques.
Lire le communiqué et accéder aux directives (en anglais).

Journée mondiale de la santé mentale : l'OMS organise pour la première fois un événement mondial de sensibilisation en ligne
Cette année, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, l'OMS a organisé pour la première fois un événement mondial de sensibilisation en ligne sur la santé mentale. Pendant les deux heures de l'événement, des vidéos de témoignages personnels de personnalités et de célébrités du monde entier se sont succédées pour parler de ce que nous pouvons tous faire pour améliorer notre santé mentale et de la manière dont nous pouvons contribuer à faire en sorte que des soins de santé mentale de qualité soient accessibles à tous ceux qui en ont besoin.
Voir la vidéo ici.
Royal college of psychiatrists : en savoir plus sur l’arrêt des antidépresseurs
Le Royal college of psychiatrists de Londres diffuse sur son site web une information à jour sur les anti-dépresseurs. Ces informations sont destinées à tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur l'arrêt des antidépresseurs. Le site décrit les symptômes que l’on peut ressentir lors de l'arrêt d'un antidépresseur et quelques moyens de réduire ou d'éviter ces symptômes. L'organisme médical professionnel propose en outre des exemples de plans de réduction.
A lire ici (en anglais).
Australie : rapport sur le rôle du soutien par les pairs en santé mentale dans les services d'urgence
Issu d'un projet de recherche portant sur le développement d’un modèle de soutien par les pairs dans les services d'urgence, financé par le Melbourne Social Equity Institute, le rapport « Examen du rôle du soutien par les pairs en santé mentale dans les services d'urgence » contient des recommandations concernant ce travail. Le soutien par les pairs est de plus en plus utilisé dans le système de santé mentale australien. Il peut jouer un rôle important pour répondre aux besoins non satisfaits des usagers et améliorer la réactivité du service des urgences. Au total, une cinquantaine de personnes ont participé directement à ce projet.
A lire ici (en anglais).


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La Lettre du Groupement de coopération sanitaire pour la recherche et la formation en santé mentale est éditée par le Centre collaborateur de l'OMS (CCOMS), service de l’EPSM Lille métropole. Le GCS a pour objet la recherche, la formation et la mise en œuvre d’actions visant le développement de dispositifs de santé mentale intégrés dans la cité, incluant la prévention et l’insertion des publics souffrant de troubles mentaux. Le Groupement œuvre à la promotion des échanges professionnels et à toute action de lutte contre la stigmatisation en santé mentale et en psychiatrie. Il favorise et soutient la participation des représentants des usagers, des familles et des aidants. Le GCS, dont le conseil scientifique est celui du CCOMS de Lille, relaie les recommandations de l’OMS au niveau national et localement.

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